jeudi 21 juin 2012

Hassan Hajjaj, l’art de la contrefaçon !

Culture

29 mai 2012

Hassan Hajjaj a participé ce week-end à Photomed à Sanary sur mer, élaborant une installation célébrant les salons marocains, façon funky kitsch, sa marque de fabrique. Rencontre avec un artiste décontracté et délicieusement pop.
Hassan_HAJJAJ
Hassan Hajjaj incruste des éléments graphiques sur différents supports, à l’image de cette table gravée à son nom.
Hassan Hajjaj vit entre deux rives, Londres et Marrakech. Nous l’avons rencontré dans le cadre de Photomed, premier festival de photographie méditerranéenne clôturé ce week-end dans le sud de la France. Ce chantre du graphisme populaire, du détournement artistique de marques et de logos marocains, a exposé aux côtés de six photographes marocains. Dans son salon au design beldi, il a signé une installation humoristique aux airs pop, tout droit sortie d’un souk coloré. Il a incrusté des éléments graphiques sur du verre, créant tables, coussins, sceaux de peintures « brandés » en guise de tabourets, boîtes de Coca-Cola alignés en divan, le tout dans un espace design aux murs placardés de photographies et de collages flamboyants.

Comment en êtes-vous arrivé à exposer pour Photomed ?

Mona Mekouar, la commissaire d’exposition, a fait appel à moi. Et comme je n’avais pas eu le temps de produire mon travail dans les temps, j’ai réalisé une grande installation, qui est une combinaison expérimentale d’œuvres récentes et anciennes, différente du reste des œuvres présentées. J’aime les installations, l’aspect théâtral de mon travail, et surtout l’évasion qu’elles me procurent. Mais les artistes à Photomed m’ont donné envie de montrer une autre facette de moi. J’ai des photographies prises sur le vif, de la rue, des bâtiments et de la vie en général, et j’aimerai les exploiter davantage.

Comment avez-vous commencé à détourner les marques ?

J’ai grandi dans les années soixante avec les images publicitaires et j’ai appris à me jouer de leurs codes. Je suis généralement une éponge et je m’inspire de ce qui m’entoure. Petit à petit, j’ai commencé à m’intéresser aux marques de luxe, à les customiser pour en faire des vêtements accessibles pour tous, parce que ces marques ne créaient jamais pour des gens comme nous. Comme je viens d’un milieu modeste, je me suis mis à les recycler. Puis l’envie m’est venue de les vendre en tant que produits et afficher le nom Hassan Hajjaj aux côtés de marques tels que Coca Cola ou autres et devenir ainsi un label. Un an après leur commercialisation, j’ai reçu des lettres de menaces mais il était trop tard, tout Londres portait mes T-shirts, et tout le monde les copiait. Vous voyez, je suis dans l’air du temps et je pratique la contrefaçon, tout naturellement.

Comment en êtes-vous arrivé à la photographie ?

J’ai pris du temps avant de prendre confiance en moi en tant que photographe. J’avais des amis qui pratiquaient ce métier, et j’ai appris sur le tas. Quand j’étais jeune, je cumulais les casquettes, je promouvais des clubs, des groupes de musique, des Djs, je produisais des vidéos, j’étais styliste de mode et j’avais une sorte de maison de disques dans mon garage. Dans la photographie, j’ai exploité mon expérience dans le milieu de la mode et je me suis instinctivement tourné vers l’univers des marques.

Hassan-HajjaComment avez-vous acquis une notoriété dans une ville aussi foisonnante que Londres ?

Quand Mourad Mazouz, alias Momo, est arrivé à Londres en 1987 et a ouvert son restaurant, il a attiré le gotha de la capitale britannique, en l’occurrence Madonna qui a organisé son anniversaire dans son restaurant, le Momo’s. C’était une des premières fois qu’on voyait des gens branchés danser sur de la musique arabe. La génération hipster commençait à découvrir la musique, la cuisine et la décoration marocaine. Le Maroc est devenu une destination à la fois jet-set et populaire et les gens affluaient à Marrakech du temps où elle était vraie et authentique. J’ai accompagné ce mouvement qui a sans doute aidé à me faire connaître.

Vous voyagez partout dans le monde. Quels sont vos prochains projets ?

Je serai aussi au Victoria and Albert museum le 13 novembre, une exposition qui tournera dans plusieurs pays, et j’exposerai « My rock stars » en septembre à la galerie Third Line à Dubaï. J’y rendrai un hommage au studio et je documenterai des gens, utilisant des objets comme « Lahssira » (tapis traditionnel, en dialectal marocain) ou les sacs à rayures utilisés par les voyageurs qui migrent d’Afrique en Europe, et je les décline sur des costards, des djellabas et des babouches. Je travaille aussi sur des costards avec des motifs en euros, et je prépare des cartes postales sur Marrakech, m’inspirant des pin-up des années 50, prenant en photo des femmes en voile posant sur des tapis glamoureux. Je suis fidèle au même univers hétéroclite, exotique et oriental. L’art est très solitaire, et dans ma personnalité j’aime interagir avec les gens, discuter avec eux, chiner des objets dans le souk, discuter avec les femmes spécialistes du henné, un boxeur, un marchand, un inconnu…

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