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Cet artiste marocain, qui vit à Londres et a voyagé sur tous les continents, a choisi sa ville natale et le  Riad Yima pour exposer en exclusivité ses créations. Dans un esprit Pop Ar t délirant, on y retrouve, entre autres, des objets fabriqués à partir de conserves de tomates, des babouches faites avec des sacs de farine, des poufs dérivés de parasols Fanta.
Soirée d’ouverture le 7 octobre à 18 h 30
52 derb Aarajane, Rahba Lkdima
Tél. 05 24 39 19 87 / 06 67 23 09 95
Tous les jours de 9 h à 18 h
riadyima@yahoo.co.uk
www.riadyima.com
source : Marrakech pocket




Par Hicham Oulmouddane

Portrait. L’imaginarium de Hassan Wahloo



La marque de l’artiste n’est pas
prête de tomber dans l’oubli
(ZAHED SULTAN)
Des babouches Gucci, des bikers marrakchis en jellaba et autres curiosités… Hassan Hajjaj est le pionnier du pop-art made in Morocco. Voyage dans une utopie picturale saturée de couleurs et de dérision.


Place des épices, en plein cœur de Marrakech. Après nous avoir proposé du Viagra marocain et autres pièges à touristes, le boutiquier nous indique le chemin pour retrouver le Riad Yima. A mesure qu’on avance dans ce labyrinthe, les bruis du souk cèdent le pas à la quiétude des
ruelles étroites. Nous voici arrivés devant la porte du riad. “Entrez, Mrahba bikoum”, lance Rkia, la soixantaine. Cette douce berbère qui s’occupe des lieux depuis 12 ans vous accueille tout sourire. Loin de l’ambiance cosy pour touristes en mal d’exotisme, le lieu se décline comme un espace où l’on boit son thé à la menthe sur un panneau de stop transformé en table, où des sacs de farine servent à confectionner de longues robes, sans oublier les boîtes de confiture Aïcha, ressuscitées en lustres géants. Bienvenue dans le monde fantasque et parodique de Hassan Hajjaj.

London calling

Né à Larache en 1961, l’artiste nous raconte qu’il a débarqué à Londres avec ses parents à l’âge de 14 ans. “Nous étions entassés dans une chambre exiguë”, se souvient-il. Pour ne rien arranger, le jeune Hassan ne parlait pas anglais et devait reprendre ses études à zéro. Il quitte l’école à 16 ans et vit de petits boulots. Dans ce désert londonien entre musique punk et new wave, Hassan ne s’est jamais remis de son départ du Maroc. “Les couleurs, la lumière, les odeurs… tout me manquait à Londres”, se rappelle Hassan. Son penchant pour les lieux branchés et son immersion dans l’Underground londonien seront déterminants pour sa carrière : “J’étais sûr d’une chose, la mode c’est mon dada”. C’est ainsi qu’en 1984 il met toutes ses économies dans l’achat d’une boutique de prêt-à-porter sur la Neal Street, en plein cœur du mythique quartier commerçant de Covent Garden. Très vite, son style estampillé street fashion fait mouche dans le Londres branché et friand d’excentrisme, ce qui va lui permettre de se frayer un chemin dans le milieu de la musique et de la mode. Il est sollicité pour le tournage de plusieurs clips. “Je m’occupais des repérages et de la préparation des tournages”, précise-t-il. Il ouvre un tea-room qu’il appellera Yima. “J’ai fait de ce lieu une vitrine pour exposer des objets marocains revisités à la sauce occidentale”. La success story peut commencer. Elle le conduira à exposer ses installations et ses photos aux quatre coins du monde.

Retour aux racines

Passé maître de la récupération, Hassan Hajjaj est aussi connu sous le nom de Andy Wahloo (Rien), en référence à Andy Warhol, le maître du pop-art. “C’est le chanteur Rachid Taha qui m’a collé ce surnom lors d’une exposition que j’ai organisée à Paris en 2001”, explique Hassan. Un nom qui deviendra celui d’un restaurant parisien en 2003, qu’il va décorer de fond en comble.
En 1982, il est de retour au Maroc, qu’il tenait à faire découvrir à sa fille Zynha. Il replonge dans ses souvenirs sensoriels et réalise qu’il était temps de faire la jonction entre l’art occidental et la richesse de la culture marocaine. Et pour cela, il jette son dévolu sur la photo. “Ce n’est qu’en 1989 que je suis devenu photographe professionnel”, souligne-t-il. Il lance sa première collection de clichés mettant en scène des femmes marocaines en hijab avec des accessoires Gucci, Prada ou encore Louis Vuitton, qui fait un carton dans The Third Line Gallery à Dubaï. Depuis, Hassan Hajjaj a fait du détournement des objets et du mélange des codes un art qui l’a propulsé dans les plus grandes galeries internationales. A l’occasion de l’inauguration de la Matisse Art Gallery à Casablanca, en 2009, le public marocain est conquis par l’exposition intitulée “1430 in Casa”. Il renoue également avec les artistes marocains de passage ou installés dans la capitale britannique. “J’ai rencontré Hindi Zahra lors d’un concert intimiste à Londres. On s’est rappelés quelques mois plus tard pour travailler ensemble”, confie-t-il. Ils se retrouveront au Maroc pour une séance de photos destinées à illustrer la pochette de l’album de la chanteuse, Handmade.

Le Google de la récup’

Retour à Marrakech. Le Riad Yima, qui sert de maison d’hôtes depuis 2005, s’apprête à changer de vocation. “J’ai constaté que je n’étais pas fait pour l’hôtellerie, j’ai décidé alors de transformer le riad en un lieu d’exposition permanente pour mes travaux”, annonce Hassan avec son accent de Marocain du nord mixé au cockney londonien. La proximité avec la médina lui donne accès aux ateliers de la ville où il passe ses commandes après avoir imaginé les concepts. “Je passe mon temps à chercher des objets dans les souks, à la campagne comme en ville. C’est fou les trésors qu’on peut y dénicher !”, s’exclame Hassan. Résultat, des lustres en boîtes de conserve, des T-shirts aux couleurs flashy, des tables à l’effigie d’une marque de savon, sans oublier les photos aux cadres en boîtes d’allumettes ou en canettes de soda. Quand on évoque avec lui l’engouement des Marocains pour le pop-art, il affiche un optimisme déconcertant. “De plus en plus, les Marocains évitent le bling-bling et cherchent à acquérir des objets décalés pour la décoration de leur intérieur ou pour leurs commerces”, assure-t-il. Toujours à l’affût d’idées nouvelles, Hassan Hajjaj s’est lancé dans un nouveau défi : habiller la poupée “Fulla”, la Barbie arabe, en caftan et autres accessoires marocains. En attendant, le public a rendez-vous avec l’artiste, qui expose ses dernières œuvres dans le cadre de Marrakech Art Fair, en ce moment même. 

Expo. Le menu du chef

Après s’être illustré dans l’exposition “The Apart London Summer Show 2011”, en août dernier dans la capitale britannique, Hassan Hajjaj a été invité par la mairie de Londres pour participer à une gigantesque exposition intitulée “Shubbak : fenêtre sur l’art arabe contemporain”. Un événement qui a réuni des artistes de tout le monde arabe. Infatigable, il a démarré la rentrée en fanfare. Au programme, l’ouverture officielle de son exposition permanente au Riad Yima le 7 octobre, en plus d’une installation pour la deuxième édition de la Foire internationale d’art moderne et contemporain, Marrakech Art Fair, qui se tient actuellement et jusqu’au 3 octobre. Last but not least, Hassan Hajjaj revient à son amour pour la musique à travers un nouveau projet. “C’est une collection de portraits photo où j’ai croisé deux générations de maalems gnaouis dans un même album qui s’appelle Masters of Gnawa”, dévoile-t-il. Appétissant !

Source : http://www.telquel-online.com/archives/490/mage_culture1_490.shtml